Rencontre avec Marie-Caroline Savelieff, diététicienne spécialisée en nutrition du sportif. Marie-Caroline pratique en libéral et à l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance). Elle intervient aussi au sein des entreprises et organisations sur les sujets de la nutrition et du sport. Elle est l’auteur du « Grand livre de la nutrition et du sportif ».
Les femmes et le sport : une révolution en marche ?
Notre entretien démarre fort, on parle des préjugés encore bien présents dans le sport… Pour Marie-Caroline, marathonienne (3 h 06’ 30 !), il y a actuellement une véritable prise de conscience sur la place de la femme chez les sportifs. Au-delà des polémiques sur les tenues de Serena Williams et celles des joueuses de volley-ball, une petite révolution est en cours. Par exemple, on s’est enfin rendu compte que les sports dits explosifs, c’est-à-dire intenses et de courte durée, convenaient aux femmes ( crossfit / musculation). Ça bouge et ça s’ouvre pour les femmes du côté du sport et c’est bien !
Pourquoi est-il important, pour les femmes, d’adapter leur nutrition à leurs pratiques sportives après 45 ans ?
Dans les trois années post-ménopause, notre corps subit la fonte musculaire la plus importante et ça devient inaliénable. C’est-à-dire que si on ne pratique pas pendant cette période, on n’a aucune chance de retrouver ce qu’on a perdu. Il faut donc favoriser l’activité sportive à tout âge et notamment après 45 ans… Entre 20 et 80 ans, les femmes perdent 35 à 45 % de leur masse musculaire. Une pratique régulière peut inverser la tendance. Il faut savoir que plus on attend, plus on aura du mal à reprendre. C’est un cercle vicieux. Au sport, il faut absolument allier la nutrition qui est cruciale.
Ne doit-on pas avoir peur de se blesser, d’endommager notre plancher pelvien ? La fameuse descente d’organes à la préménopause ?
Non, ça fait partie justement des vieux restes du côté macho du sport. Les hommes ont toujours brandi la menace de la descente d’organes ou de la stérilité pour éviter de croiser des femmes sur les terrains de sports.
D’ailleurs, on le voit encore… Saviez-vous que le marathon n’a été autorisé aux femmes qu’en 1984 ? Que là où les hommes réalisent un décathlon en athlétisme (10 épreuves), les femmes se limitent toujours à l’heptathlon (7 épreuves). En tennis, les femmes ne peuvent faire que 3 sets contre 5 pour les hommes. Sans oublier le Tour de France Cycliste : où sont les femmes ?
Il faut apprendre à se connaître et à connaître son corps, ne pas tout prendre pour argent comptant. Bien sûr, il faut veiller à muscler votre périnée, avec un travail de respiration. Vous devez aussi pratiquer des sports qui musclent profondément comme le Pilate et/ou des exercices ciblés comme le Kegel. Ce travail sur votre périnée, il faut le faire un maximum, c’est sûr. Mais il ne faut pas que des peurs infondées ne vous empêchent de pratiquer un sport qui vous éclate !
Le corps change avec la venue de la prémenopause. Comment devons-nous adapter notre pratique et notre nutrition ?
A cette étape de la vie, il y a une baisse du métabolisme de base et une accélération de la fonte musculaire. Il faut garder en tête le principe du mix d’endurance (pour éviter la prise de masse grasse) et de renforcement musculaire (pour éviter la fonte musculaire).
Privilégiez un bon mix entre sports portés et non portés, sauf contre-indication telle qu’un fort surpoids où les sports portés, comme la natation ou le vélo, sont à privilégier face aux sports non portés, sous peine de risques articulaires chevilles-genoux-dos.
N’oubliez pas que les sports non portés (ex : running) favorisent les micros lésions qui vont stimuler et solliciter le tissu osseux pour le reconstruire. Le tissu osseux se reconstitue par un stress mécanique. Ils sont donc très importants pour notre santé aussi.
Vous pouvez même combiner les deux dans une session. Par exemple, essayez le run & bike. Partez vous entraîner en duo et alternez vélo et course !
Si vous n’avez pas de contre-indications, j’aime bien aussi proposer le cross-fit qui reste un très bon compromis entre les deux. C’est une alliance entre endurance et musculation et cela correspond bien aux besoins de la femme après 45 ans. La marche nordique est intéressante parce qu’elle sollicite 80 % des muscles et sans impacts.
Pourquoi après 45 ans, le renforcement musculaire est aussi important que le cardio ?
Il faut savoir que c’est le muscle qui nous permet de dépenser de l’énergie (le métabolisme de base est proportionnel à la masse musculaire).
La masse musculaire a une influence directe sur le métabolisme. Sollicités, les muscles brûlent des calories. On dit que la consommation musculaire en calories correspond environ à 13 kcal / kg de muscles. Le renforcement musculaire et la musculation induisent une activation supplémentaire de notre métabolisme de base. Si on compare une personne active et l’autre sédentaire, celle qui est active physiquement brûle plus de calories au repos grâce à une musculature plus développée. A cela s’ajoute l’énergie dépensée par la reconstruction des micro-lésions au niveau des muscles lors d’exercices musculaires… Chez nous les femmes, cette fonte musculaire commence plus tôt que chez les hommes. Et oui, les hommes ont 1/3 de muscles en plus, leur métabolisme leur permet de maigrir plus vite de brûler plus de calories. Le muscle permet la dépense d’énergie, il faut donc travailler sur le renforcement musculaire pour éviter une prise de poids.
Pour être guidée sur le renforcement musculaire, suivez les vidéos de notre coach Paige : https://www.konenki.fr/videos-comment-muscler-ses-bras-apres-45-ans/
Comment arriver à évaluer notre état de santé et les progrès ?
Vous devez prendre en compte les facteurs osseux, musculeux et la graisse. N’hésitez pas à consulter un diététicien nutritionniste spécialisé dans le sport ou un médecin du sport si vous désirez vous mettre à une activité sportive et perdre du poids. Ce spécialiste sera à même de vous dire vers quel sport aller. Attention, sachez qu’une balance corporelle à domicile, même sophistiquée, n’est pas précise. Monopodale (électrodes aux pieds et non aux mains) et monofréquence, elle ne vous donnera une estimation qu’en fonction de la composition du bas de votre corps et sans tenir compte de votre niveau d’hydratation ou de rétention d’eau. Un suivi chez un diététicien permet des mesures d’impédance qui sont très précises au niveau osseux, de la graisse, des muscles et du niveau d’hydratation.
Sinon, j’aime bien conseiller le jean de référence, très utile car le tour de taille est une donnée plus importante et révélatrice que le poids sur la balance. Si on rentre dedans, c’est qu’on a perdu du gras, en tout cas on n’en a pas pris. C’est un vrai test !
Y a-t-il un minimum d’activité à pratiquer pour rester en forme et éviter la prise de poids ?
Il faut 3 heures au moins d’activité par semaine pour ne pas perdre du muscle. Ce n’est pas 3 heures réparties uniquement le samedi et le dimanche. Mieux vaut des séances de 30-45 minutes disséminées dans la semaine.
L’intensité de l’exercice est un facteur important. Pour être sûr que vous travaillez à la bonne intensité, c’est simple, « vous devez pouvoir parler à votre voisine, mais pas plus« . Donc, si vous marchez en parlant et rigolant c’est sympa et important pour le moral, mais ça ne rentre pas dans ce cadre !
A l’opposé, si vous êtes haletante, vous êtes en endurance et donc en filière « brûle graisse » !
3 heures d’une activité à intensité moyenne permet aussi une véritable diminution des risques cardiaques (important pour les femmes + 45 ans), un véritable travail sur la masse osseuse (crucial pour prévenir des risques d’ostéoporose). N’oublions pas aussi la sécrétion de dopamine, l’hormone du plaisir, pour aider à réguler nos humeurs…
Que faut-il éviter au niveau de la nutrition quand on s’entraîne régulièrement ?
Il faut faire attention aux régimes restrictifs. C’est une période où l’on peut prendre facilement du gras alors souvent le premier réflexe est de réduire ses apports caloriques en diminuant les protéines. Ce qui ne fait qu’accélérer la fonte musculaire. C’est un phénomène qu’on appelle protéolyse. Aussi, un régime risque, au niveau micro-nutritionnel, d’engendrer une carence en vitamines liposolubles : E et D. Elles sont très importantes après 45 ans. Elles préviennent de la fragilité osseuse puisque la vitamine D qui se trouve dans les graisses, aide à l’assimilation du calcium. Sans lipides, pas de vitamines A et E.
Comment faut-il s’alimenter quand on s’entraîne régulièrement ?
Tout dépend du niveau d’intensité et d’activité. Vous n’avez pas besoin de la même chose après une séance de yoga et un running actif. Et puis il y a les personnes qui pratiquent et celles qui viennent de s’y mettre.
Il faut de toutes les façons préférer la régularité à un surentraînement. Avec la régularité, on crée de bonnes habitudes et le corps peut suivre. Le surentraînement épuise et permet rarement de tenir sur la longueur. C’est important aussi quand on fait du sport de veiller à adapter son régime alimentaire. Avec l’activité, on casse les fibres musculaires, on puise dans réserves d’énergie et de minéraux en transpirant, on se déshydrate et il faut récupérer.
On dit souvent qu’il ne faut pas manger avant le sport pour brûler les graisses ?
Il faut savoir qu’à jeun, les 20 premières minutes d’activité viennent taper principalement dans les glucides qu’on a dans le corps de la veille.
Ensuite, soit vous êtes en endurance fondamentale (c’est-à-dire dans une aisance respiratoire, vous pouvez chanter ou parler en faisant votre activité) et là, vous allez brûler des graisses. La filière aérobie (consommation d’oxygène) est active. Vous faites en tout 45 minutes et c’est bien ! Pas plus à jeun, sinon le corps sera en souffrance et ce sera les muscles qui seront touchés, sans parler des risques de blessure accentués.
Mais si vous êtes dans une pratique intense, vous êtes en manque d’oxygène et si vous êtes à jeun, alors là, vous allez « taper dans le muscle ». C’est la filière protéolytique qui est majoritaire. C’est exactement ce qu’on veut éviter, perdre du muscle. « Taper dans le muscle » signifie non seulement une baisse du système immunitaire et une baisse du métabolisme de base qui permet de brûler les calories. C’est pour cela qu’il faut adapter une nutrition sportive à sa pratique !
Donc, si vous pratiquez un sport intensif ou long (plus d’une heure), il faut manger avant : soit un petit-déjeuner ou un repas équilibré 3 ou 4 heures avant. Si vous pratiquez le matin tôt, essayez au moins de prendre une banane, une compote. Les barres de céréales amalgamées considérées à tort comme « du sportif » contiennent du gras, et des fibres peu digestes. Mais vous pouvez aussi trouver dans les magasins spécialisés de sport des poudres à diluer en crèmes appelées spordej® (aux goûts variés : vanille, amande, cacaotées et même bio), elles sont très digestes et permettent de faire une activité sportive immédiatement derrière.
N’oubliez pas l’eau : le carburant indirect de l’effort !
L’hydratation est nécessaire durant l’effort pour refaire les réserves d’énergie. Pour assurer une bonne récupération, il est nécessaire de reconstituer ses stocks de glycogène. Le glycogène est la réserve énergétique du sportif située dans le muscle. Pour pouvoir stocker 1 g de glycogène, il faut 3 g d’eau.
Un petit test à réaliser chez vous pour voir si vous buvez assez :
Pesez-vous avant effort et après effort ; vous êtes censé boire une fois et demie le poids que vous avez perdu dans les 2 à 6 h.
Pour exemple, vous avez perdu 1kg, désolée mais ce ne sera pas 1kg de gras mais de l’eau (1kg de gras équivaut à 9 000 calories dépensées, soit plusieurs marathons ! Et étant donné que vous continuez à transpirer après l’effort, vous devrez boire 1kg x 1.5 = 1.5litre dans les 2 à 6 heures post effort, et pensez d’ailleurs à boire pendant la pratique !
L’eau peut-être aussi un complément naturel comme les eaux minérales Hepar pour le magnésium anti-fatigue et anti-stress ou Contrex pour le calcium et donc la solidité osseuse. Attention aux eaux pétillantes, trop riches en sel, à réserver au post-effort sportif car la transpiration implique des pertes en sel.
Buvez peu mais régulièrement, le corps ne peut pas assimiler plus de 500 à 800 millilitres par heure. Si vous buvez plus, vous irez aux toilettes souvent mais votre hydratation ne sera pas optimale.
2-3 gorgées toutes les 10-20 minutes et le tour est joué.
Si l’effort est supérieur à 1h 30, pensez à boire une eau adaptée aux sportifs ou avec un apport en sucre appelée boisson isotonique.
On dit qu’il faut attendre après l’activité pour manger. Est-ce une idée reçue ?
Il faut savoir que la fenêtre anabolique – moment clé pour la récupération et prise musculaire – se situe entre les 20 minutes et les 2 heures après le sport. Il faut en profiter pour consommer une ration glucido-protéique rapidement assimilable donc peu grasse, à faible teneur en fibres et pourquoi pas liquide.
Les protéines sont indispensables après le sport. En tant qu’élément de construction de l’organisme, elles favorisent une régénération plus rapide des muscles.
Par exemple, des protéine dites « rapides » en terme d’assimilation comme le produit de l’égouttage du fromage. Vous les trouvez dans le babeurre, lactosérum, le lait fermenté comme le lassi ou laban.
Pour les plus pressés, vous pouvez opter pour un complément alimentaire : la Whey sous forme d’isolate. Mais soyons clairs, un yaourt hyperprotéiné tel qu’un Hipro ou un Skyr suffira amplement.
Attention aussi aux noix, noisettes et amandes ! Ce sont des aliments qualitatifs, mais peu enclins à une récupération rapide car gras et riches en fibres qui se digèrent plus lentement. Ce n’est pas optimal !
Un peu de sucre aussi peut aider à la reconstruction. Pourquoi ne pas opter pour un fromage blanc mixé à une banane dans les 30 minutes post-effort ? Profitez-en pour prendre votre douche, puis enquillez avec votre repas équilibré sans ajouter un dessert. Inutile de cumuler les apports !
Quelles sont les bonnes habitudes à prendre pour une bonne nutrition sportive ?
N’oubliez pas de consommer des produits céréaliers dans le repas suivant l’activité afin de reconstituer vos réserves en glycogène. Vous n’avez pas besoin le soir d’un apport en sucres lents qui est un carburant à long terme. Le soir, privilégiez les protéines et les légumes.
Une alimentation protéinée est importante autant pour la musculation que pour la perte de poids. Mais attention à vos rations de protéines, il y a une dose à respecter. Au-delà de la dose, vous allez fatiguer vos reins et faire travailler le corps. Prenez vos protéines régulièrement, pas d’un coup. 25 à 30 gr par heure max. Si l’on veut être précis, pour une femme cherchant à perdre du poids et avec une activité sportive régulière, les apports seront de 1.5 à 1.7 g de protéines par kg du corps et par jour (sauf pathologie).
Ce chiffre est difficilement quantifiable au quotidien. Il conviendra plutôt de l’évaluer avec votre diététicien(ne) nutritionniste du sport qui adaptera votre ration de protéines en fonction de vos habitudes alimentaires, familiales, professionnelles et sportives.