Konenki
Vous lisez

L’amour à 50 ans : comment le trouver et le faire durer ?

0
l'amour à 50 ans
Relations / Sexualité

L’amour à 50 ans : comment le trouver et le faire durer ?

Comment faire durer le couple et trouver l’amour à 50 ans ? Une problématique pas facile quand on voit qu’en France le nombre de solos a doublé en trente ans. Et que le le nombre de divorces après un mariage de plus de 35 ans a explosé en 10 ans (multiplié par 2 !) . Les plus de 50 ans sont les couples qui, désormais, divorcent le plus.

Comment commencer ou faire durer une relation amoureuse à 50 ans ?

En quoi cette quête de l’amour est-elle différente de celle de notre vingtaine ou trentaine ? Sur quels critères trouver le/la partenaire idéal(e) à cette période de notre vie ? Pour ceux en couple, comment retrouver une relation quand les enfants quittent le nid ?

Nous avons posé nos questions à Fabienne Kraemer, Médecin de formation, psychanalyste depuis 2000. Rédactrice en chef et animatrice d’une émission médicale sur France 3 pendant une dizaine d’années et animatrice psycho-société sur Europe 1, elle a écrit plusieurs ouvrages sur le thème de l’amour et du couple, dont « 21 clés pour l’amour slow ».

L'amour a 50 ans

Avec Fabienne, on échange d’abord sur l’âge, la préménopause et la ménopause. Un sujet passionnant pour la psychanalyste. Fabienne garde en mémoire ses années de médecine dans les années 80 et la ménopause, rapidement abordée. Elle se souvient de l’introduction faite par son professeur :  » La ménopause est une maladie récente… A l’époque c’était le qualificatif de récent qui m’avait choquée. Mais plus tard, j’ai compris à quel point on avait médicalisé cette période. C’est fou, et puis l’andropause, on n’en parle pas… Je me suis dit pourquoi deux poids deux mesures ? Il faut vraiment reprendre ce sujet à bras le corps « .

C’est quoi l’amour et le sentiment amoureux ? 

Le sentiment Amour est différent de l’Amour. Il faut en être conscient. Ce n’est pas la même chose, le sentiment est une  » maladie  » d’emballement hormonal et psychologique face à quelque chose qui nous parle… Vous rencontrez quelqu’un, alors se produit un phénomène, d’un coup, ça nous parle, cela fait écho à quelque chose en nous, à notre éducation, nos parents, notre héritage familial… 

Les sentiments amoureux nous guident vers ça. 

L’amour pour moi est un sentiment plus calme, voire apaisé. C’est la découverte de l’autre et son altérité. C’est un sentiment absolu et la curiosité d’un autre, une vraie curiosité…

Lacan dit  » il n’y a pas de rapport sexuel « , c’est-à-dire que la fusion n’est pas possible, l’autre restera toujours un étranger, même au plus fort de l’intimité. Je crois fermement que la rencontre entre hommes et femmes permet de faire des possibles des impossibles. C’est une curiosité d’essayer de découvrir l’autre avec une sorte de gourmandise, un désir de rencontrer les gens de façon vraie.

On me pose souvent la question, si écouter toutes les histoires de mes patients n’est pas ennuyeux à la longue. Sachez que personne, dans la durée, n’est  » casse-pieds « . Si on a la curiosité de rencontrer l’autre, tout devient intéressant. Si cette envie de découvrir est bienveillante, alors c’est un phénomène étonnant. 

Les hommes et les femmes sont-ils égaux dans leurs attentes ? 

C’est drôle, mais je dirais non. L’idéal pour un homme, c’est la somme de toutes les femmes. Ils savent depuis toujours qu’une femme n’est pas suffisante, il faudrait les avoir toutes. D’ailleurs, si vous discutez avec des hommes qui acceptent de se livrer, vous verrez que souvent, il se font des patchworks dans leur tête, avec les cheveux de l’une, les seins de l’autre, l’humour d’une troisième. Il voudrait les avoir toutes, donc quand il choisit, il renonce à toutes les autres. 

Les femmes quant à elles, attendent de rencontrer le bon, l’idéal qui a tout. Alors, elles vont le mettre sur un piédestal pour finalement passer son temps à chercher ses défauts.

Les hommes doivent renoncer à l’idée de les avoir toutes, les femmes de saper les hommes

Je pense que l’on n’aime pas les gens pour les bonnes raisons, c’est toujours le résultat d’un quiproquo… Selon moi, on se trompe toujours, le problème ce n’est pas l’autre (si bien sûr la personne n’est ni abusive, ni toxique), c’est le désir d’être à deux qu’il faut savoir questionner. 

C’est important d’estimer cette notion de partage, de désir d’être à deux. Notre société s’organise de plus en plus pour ne pas générer de couple. Les applis, l’envie d’aller vite, de passer à autre chose. Peut-être que ça ira mieux après, mais en ce moment  » faire couple  » est compliqué. C’est un vrai boulot de faire couple. Certains, trop nombreux, renoncent.  Surtout à un certain âge, trouver l’amour à 50 ans et le faire durer, c’est une aventure.

Je suis persuadée qu’ il ne faut pas se résigner. Il faut s’armer de curiosité et de persévérance et prendre son temps.  

Penser  » développement durable du couple  » , comme en écologie, prendre son temps, ne pas céder à la surconsommation, préférer l’amour slow.

En quoi la quête de l’amour à 50 ans ou la relation amoureuse est-elle différente ? 

Parmi mes patients, j’ai des femmes célibataires qui « datent » à 50 ans comme elles le feraient à 35 ans. Avec les mêmes critères ou en fantasmant sur une histoire qu’elles n’ont pas eue à 35 ans. 

L’âme sœur, je n’y crois pas, les rencontres, c’est une question de tempo. C’est une question de rythme, on a envie de la même chose.

Ce n’est pas la même chose de chercher le père de ses enfants à 35 ans et un compagnon à 50 ans. Quand on cherche le père de ses enfants, on veut quelqu’un de bien sous tous rapports. Mais être très ami avec son conjoint, c’est très important aussi, le compagnonnage affectif après un certain âge c’est primordial. On a surtout besoin de complicité et bienveillance. 

La curiosité sur l’autre commence par nous…

Surtout il ne faut pas renoncer, j’ai rencontré mon mari actuel à 50 ans et ma vie a été transformée. Mes livres, ma nouvelle maison, toutes ces surprises de la vie me sont arrivées après 50 ans. Les aventures qui surgissent après 50 ans peuvent être extrêmement constituantes et épanouissantes. Ne laissez pas tomber ! Cette seconde partie de la vie peut se révéler, à l’arrivée, aussi importante que la première. Cette étape de votre vie aura peut-être même plus d’importance.

Ne passez pas à côté d’un moment exceptionnel d’individualité. C’est à cet âge qu’on peut devenir égoïstement soi-même. 

Égoïste avec soi-même, ce n’est pas l’inverse du couple ? 

Quand on veut  » faire famille « , on doit marchander sans cesse. Mais le couple doit être une rampe de lancement pour s’épanouir, s’individualiser. Souvent les femmes se réveillent à 40 ans sans savoir qui elles sont.

Cet amour à 50 ans permet de ne pas renoncer à soi-même. Il s’agit de trouver un compagnon avec qui on ne se perd pas. On ne se mélange pas et on n’a pas de raison d’être d’accord sur tout. On n’a personne à éduquer ensemble. C’est du compagnonnage, on peut avoir des goûts en commun, mais on a surtout besoin de tendresse, d’amour et de sexe ! Finalement, c’est assez égoïste, il faut que le quotidien soit chouette. 

Quelles sont les leçons que vous tirez sur ces couples de longue date que vous avez suivis et qui veulent sauver leur relation ?

Je reçois les couples ensemble et séparément. Pour que cela marche, il faut qu’ils soient d’accord sur une démarche commune : ils veulent vraiment améliorer leur relation. Ensuite, je les reçois séparément, ça permet aux choses de se dire. On est rarement prêt à entendre ce que pense vraiment l’autre. Les femmes ne sont pas toujours prêtes à réaliser l’importance de la sexualité dans la tête des hommes et les hommes se sentent souvent comme des accusés dans un tribunal.

Il y a des couples qui explosent, d’autres arrivent à réécrire une histoire, à partager un projet, à faire bouger les lignes.

C’est hyper enthousiasmant. Vous savez, j’ai un couple qui s’est rencontré parce qu’ils aimaient l’Asie. Une fois les enfants grands, ils sont partis tous les deux s’installer là-bas. C’est le moment de vivre nos rêves. Il faut prendre des risques dans la vie, vraiment ! On connaît tous la fin, il n’y en a pas d’autre possible, alors prenons des risques.

Vous avez élaboré une théorie CARE, méthode d’évaluation et de travail basé sur les 4 piliers d’un couple...

C’est un modèle issu d’une philosophie américaine. Care (prendre soin en anglais) définit les 4 piliers pour équilibrer le couple : Complicité, Amour, Respect et Engagement. Ces 4 piliers, qui permettent d’évaluer le niveau de sa relation, sont la synthèse de nombreuses années d’observation des couples, d’expérimentation du couple et d’écoute des patients. 

La Complicité d’abord, si indispensable au couple. Avoir une vision commune, des valeurs communes, un sens de l’humour partagé. Cette notion implique aussi la loyauté, faire attention à ce qui pourrait blesser l’autre… L’Amour est ce qui nous permet de supporter les contraintes et accepter l’autre tel qu’il est. 

Le Respect, indispensable dans les conflits et à tout moment dans la vie du couple. Enfin, l’Engagement. Important ce critère, parce qu’à chaque signal de non-engagement, les membres du couple peuvent regarder ailleurs.

Pour résumer : c’est l’absence de complicité qui fait douter du choix de l’autre, l’absence d’amour qui empêche de tenir bon sur la distance, l’absence de respect qui pousse à quitter l’autre, et l’absence d’engagement qui encourage les trahisons.

En revanche, un couple complice, aimant, respectueux et engagé l’un envers l’autre est un couple qui va bien et qui a de l’avenir.

Dans ma pratique quotidienne avec les couples, j’ai remarqué que c’est souvent le Respect et Engagement qui posent problème.

On peut arriver à cet âge, et se dire par rapport à mes rêves d’amour, c’est décevant, c’est n’est que  » ça  » ? 

Mais, il faut vraiment se dire que ce n’est pas grand-chose le couple, c’est juste quelque chose qui a du sens, c’est être à deux, se soutenir s’accompagner. On nous a survendu l’amour. Il faut penser amour comme le partage avec quelqu’un avec qui on est bien, complice. 

Vous voyez le couple comme une thérapie, un catalyseur du changement personnel ? 

C’est vraiment le couple qui permet de se découvrir, parce qu’en allant à la découverte de l’autre, on grandit. Se rencontrer soi-même. Si je suis curieux avec l’autre, souvent je le suis avec moi-même ou j’apprends à l’être.

Il n’est jamais trop tard mais il faut être deux. La difficulté, c’est que souvent on peut être en décalage à 50 ans.  L’un – souvent la femme – a déjà beaucoup réfléchi et l’autre n’a pas avancé. On peut être aussi déçu du manque d’investissement. 

Mais si les deux sont d’accord, s’il y a Amour et Engagement… tout est encore possible.

Je n’ai pas rencontré dans mon cabinet beaucoup d’hommes qui sont capables de cet esprit. C’est aussi l’âge où les hommes rencontrent des difficultés érectiles. C’est vertigineux pour les hommes qui ont sans cesse des pensées sur ce sujet de se confronter à çà. J’aime beaucoup cette phrase de Lucchini  »  je veux avoir 60 ans pour avoir la paix du slip « .

Pour conclure, votre conseil pour s’épanouir dans sa relation après 50 ans ?

En fin de compte, s’enlever de l’idée qu’un autre serait mieux. 

Accepter l’altérité de l’autre en lâchant prise sur ce sujet. 

Comprendre que ce sont deux points de vue qui cohabitent sans arrêt. Personne n’a raison. 

Vous savez quand on a des enfants, on est un  » couple parental  » avant tout, ça cimente et ça fait diversion. Quand on retrouve le  » couple aimant « , il faut accepter l’autre et avoir le courage de partir à sa découverte. La question qu’on doit se poser : quel est mon couple en dehors de toute parentalité ? Voir notre article sur le syndrome du nid vide https://www.konenki.fr/syndrome-du-nid-vide-vos-enfants-partent-eclatez-vous/.

C’est aussi le sujet de l’acceptation de soi, notre héritage… 

J’ai l’habitude de dire que la vie nous a léguée une boîte de Lego. Elle contient notre hérédité, notre histoire familiale, notre éducation. Pas la peine de lorgner sur celle du voisin et se dire qu’elle est plus belle.

Inutile de grogner en prétextant que le voisin a des beaux Lego rouges et pas nous. Il faut se dire que la vie ne nous donnera pas d’autres boîtes, c’est avec celle-ci qu’on construit notre être et notre vie.

Le travail, le seul, c’est de prendre connaissance de sa boîte de Lego, d’essayer de construire le personnage le plus harmonieux et le plus beau possible. Il n’y a pas de belles et de mauvaises boîtes de Lego. Celles en or ne sont même pas mieux que les autres… Elles ont toutes la même valeur. Nous, les femmes, sommes confrontées à une image idéale qui nous poursuit éternellement. Accepter son corps, s’aimer telle que l’on est avec son histoire. Se dire que maintenant, nous sommes « suffisantes » et « aimables » telles que nous sommes.

Pour retrouver Fabienne Kraemer : http://fabienne-kraemer.com