Karima Chibane, coach-artisane du changement et autrice du livre « La Traversée », accompagne de nombreuses femmes dans la période de transition de la ménopause. Sa ménopause chirurgicale lui a appris beaucoup de choses. Elle a tenu à nous témoigner son expérience et nous donner quelques conseils.
Qui êtes-vous et que représente votre métier de coach et artisane du changement ?
Je suis une femme de 55 ans et j’ai 3 casquettes dans mon métier. Je suis coach et artisane du changement, c’est-à-dire que j’ai accompagné des femmes pendant plusieurs années qui se posaient des questions sur la dirigeance, le management. J’ai été moi-même dirigeante durant 15 ans dans plusieurs gros établissements dans le social et médico-social.
Je me suis orientée ensuite vers le coaching sur le management. De plus en plus de femmes sont venues vers moi pour parler de management, de la confiance en soi, sur la question du plafond de verre, la question de « oser », le syndrome de l’imposteur, de sexisme, de harcèlement, etc.
Et au fur et à mesure des années, est arrivée la question de la ménopause qui percutait leur vie, mais sans vraiment la nommer, jusqu’au jour où j’ai été moi-même confrontée à la préménopause.
Comment avez-vous pris le fait d’entrer en préménopause ?
En fait, tout s’est passé un matin. J’ai vécu une énorme crise d’angoisse, une peur panique, j’ai même cru que j’allais mourir !
Je ne savais absolument pas ce qu’il se passait, je ne comprenais rien.
En parallèle, j’avais des règles très abondantes, et ça a duré assez longtemps.
Je suis allée voir un psychiatre pour mes crises d’angoisse, je pensais devenir dingue ! Je ne contrôlais plus rien. Il m’a expliqué que j’étais dans une énorme période de stress.
Je suis allée voir aussi un kinésiologue, même constat, le stress. Visite ensuite chez le généraliste puis j’ai fait toute la tournée des médecins pour essayer de comprendre mais toujours pas de réponse.
Ce n’est qu’après une visite chez une homéopathe que j’ai pu comprendre que j’étais en préménopause. Au moment où elle m’a dit cela, j’ai tout saisi, ça m’a apaisé.
A quel moment avez-vous été définitivement ménopausée ?
J’ai eu un cancer de l’utérus qui a été très vite diagnostiqué. Je n’ai pas eu à suivre de protocole lourd, chimio, etc… On m’a retiré l’utérus et les ovaires. Aujourd’hui, je me dis que c’était une grande alerte de mon corps. A l’époque, je vivais à mille à l’heure, je ne faisais que travailler.
Je suis donc rentrée dans le « pays de la ménopause » d’une façon assez violente puisque j’ai été ménopausée chirurgicalement du jour au lendemain. J’avais 48 ans.
C’est après cette opération que j’ai eu des symptômes très importants de la ménopause. J’avais beaucoup de mal à dormir la nuit, des sueurs nocturnes, de gros problèmes de circulation du sang.
Je me suis dit que cela ne pouvait pas durer. Je me suis demandée ce qui se passait dans mon corps au-delà de la question physique. J’avais besoin de comprendre, et de comprendre dans sa globalité. Ce que je savais de la ménopause n’était que des petits bouts, j’ai alors interrogé plusieurs femmes qui vivaient cela. J’ai aussi interviewé des professionnels du corps médical mais également les médecines alternatives, acupuncteurs, homéopathes, etc.
Je me disais que ce qui pourrait être intéressant, ce serait d’avoir d’autres visions de la ménopause dans le monde. J’ai vu ce qui se passait en Chine, au Japon, en Afrique et au fur et à mesure, j’ai eu une vision très globale de cette question de la ménopause et de sa traversée. Et j’ai alors appliqué ce que j’avais appris. D’abord sur moi, ce qui m’a aidé à vivre une période sereine et à comprendre en fait l’enjeu majeur, qui est une seconde adolescence en fait. Et puis sur ma clientèle.
Qu’y a-t-il de positif en période de ménopause ?
La ménopause est puissante physiologiquement si on peut dire, mais aussi dans les bouleversements internes. Et cela peut être pour les femmes, une vraie renaissance, une vraie possibilité pour elles d’être en lien avec qui elles sont, de façon authentique.
Mais avec une vraie plus-value : leur expérience. Elles se connaissent mieux, savent ce qu’elles ne veulent plus.
J’ai ensuite travaillé cette question avec mes clientes en les accompagnant dans cette optique-là.
Je leur ai expliqué ce qui se passait pendant cette période. Je leur ai donné des outils pour qu’elles la traversent plus confortablement mais leur dire aussi qu’elles vont aller sur une autre rive. Et que sur cette autre rive, elles peuvent préparer cela.
Et ce sont donc mes clientes qui m’ont incitées à écrire ce livre, La Traversée. Je me suis dit que c’est ce livre que j’aurais aimé avoir en tant que femme, que ce soit à 30 ans, à 40 ans et à 50 ans. Tout simplement pour me préparer à cela, parce qu’il y a une vraie préparation à envisager.
Comment pouvons-nous nous y préparer ?
C’est assez basique, comme l’alimentation à adapter, par exemple. Avant cette étape, on ne se préoccupe pas vraiment des questions relatives à notre corps. Et la ménopause réinterroge là-dessus. Une étude américaine nous a éclairé sur le fait que plus nous étions actives, en travaillant à mille à l’heure et stressées, plus la ménopause pourra être difficile. Si on est en système de surchauffe avant, la transition sera plus difficile pour le corps.
A chacune de trouver ce qui lui convient, ça peut être la respiration, la méditation, la danse… L’idée est de commencer à repérer l’outil qui est à la fois déstressant et à la fois ressourçant, qui pourra aider pour la traversée.
Pour moi par exemple, ça a été la natation. J’ai croisé des personnes âgées sur les plages. Je leur ai demandé leur secret, elles m’ont simplement dit de ne jamais arrêter. J’ai donc nagé toute l’année, j’avais trouvé mon élément, j’ai gagné en énergie et perdu mon stress.
Il faut trouver son capital « ressource ».
Sinon, le plus important, c’est de bouger, toujours être en mouvement ! De toute façon, la vie est mouvement ! Il faut que votre corps bouge.
Comment fait-on pour les bouffées de chaleur selon votre méthode ?
Il faut d’abord comprendre pourquoi votre corps fait des bouffées de chaleur, pourquoi il surchauffe. Pour moi, la bouffée de chaleur, c’est comme une explosion d’énergie, pour schématiser. Et c’est très intéressant de pouvoir l’utiliser. Comment je peux la réutiliser par ma respiration pour qu’elle puisse énergiser tout mon corps. Il y a donc ce travail pour apprivoiser ces bouffées de chaleur qui deviennent des bouffées d’énergie.
Mais quand ça nous prend en pleine nuit, c’est un peu compliqué ! Comment peut-on faire ?
Au début c’est très surprenant, on n’a pas l’habitude. Et ensuite, chacune à sa façon, sent à quel endroit du corps ça va monter. Chacune a des perceptions différentes. Mais quand elles arrivent, il faut les accueillir. C’est se dire : « je suis dans ce volet de bouffées d’énergie, comment je les accueille ?».
A vous de leur trouver un petit nom, pour qu’elles puissent aller dans une partie particulière de votre corps. Si vous avez mal à la cheville par exemple, vous pouvez diriger votre pensée vers cette cheville. Cette méga énergie sera une aide précieuse pour celle-ci. Cette énergie va restaurer votre cheville, et ce n’est plus juste une énergie de refroidissement du corps.
Et petit à petit, ça devient un boost d’énergie que je vais diriger quelque part. Là où j’en ai le plus besoin dans mon corps.
https://www.konenki.fr/la-meditation-pour-eliminer-les-bouffees-de-chaleur-info-ou-intox/
Cela permet de vivre ces symptômes autrement. Il faut vivre cette ménopause avec une paire de lunettes, la paire de lunettes du vivant. Ce n’est que la fin de la fertilité physique, mais il y a d’autres choses ailleurs.
Cette période aussi arrive dans une crise de demie vie, on s’interroge sur l’essentiel.
Quelle a été votre crise de milieu de vie ?
Je me suis rendue compte qu’au moment où j’avais exercé en tant que dirigeante d’établissements sociaux et médico-sociaux, j’ai reçu très régulièrement des propos sexistes. Certains de mes chefs m’ont expliqué que si je passais un temps plus intime avec eux, ça pourrait être bénéfique pour ma carrière.
Au début, j’encaissais, je dépassais ces obstacles mais je ne les avais jamais interrogés.
Et c’est à ce moment-là, en milieu de vie, avec aussi les histoires de mes clientes, que tout a fait lien.
Je me suis dit qu’il y avait un vrai travail à faire auprès des femmes et sur les mémoires des femmes. C’est-à-dire, quelles sont les mémoires intergénérationnelles qui ont été transmises aux femmes et qui permettent aujourd’hui de les entraver, d’être sur des schémas répétitifs, etc.
Cette période m’a « spécialisée » en me disant que mon objet de travail est la femme. Comment les accompagner pour trouver leur liberté intérieure parce que c’est tout le chemin que j’avais fait. Et surtout, comment tu peux mettre à leur service les questions du changement ?
Cette période m’a donné une clé et une prise de conscience sur la question des femmes et ensuite de la question d’égalité femmes-hommes. C’est ainsi que j’ai écrit mon livre « La Traversée ».
Si je n’avais pas eu mon cancer, et la sollicitation des clientes, je ne suis pas sûre que je me serais spécialisée dans ce domaine.
Etes-vous mariée, avez-vous des enfants ?
J’ai choisi de ne pas me marier. Et j’ai choisi surtout quelque chose qui a été très difficile à porter, et qui maintenant l’est de moins en moins, c’est de ne pas avoir d’enfant. Je l’ai décidé très tôt, à 25 ans. Je n’ai jamais eu ce besoin, même si je les aime beaucoup. Ca a été compliqué en société.
https://www.konenki.fr/premenopausee-sans-enfant/
Cela a-t-il changé des choses de ne plus pouvoir avoir d’enfant à la ménopause ?
Non, parce que j’ai été sûre de mon choix. Je l’avais travaillé en thérapie, en me demandant si c’était un vrai choix ou est-ce que c’était une fuite de quelque chose. Je ne voulais pas être dans les regrets des années après. C’était donc un choix en conscience.
Au moment de la ménopause, il n’y avait pas d’enjeu.
Toutefois, même si je l’ai choisi, je me suis dit « tiens, je ne peux plus ». C’est pour vous dire à quel point la pression sociale est forte. Ca m’a quand même interrogée.
Et pour conclure…
Ce qui m’a aidé dans la traversée de cette ménopause, c’était de comprendre vraiment ce qui se passait dans mon corps, et de comprendre aussi à quel point c’est une construction sociale et économique, c’est-à-dire qu’il a fallu écouler des hormones fabriquées dans des laboratoires.
Comme j’ai eu ce cancer, je n’ai pris aucun traitement.