La journée internationale d’action pour la santé de la femme de ce 28 mai fournit l’occasion de considérer globalement la santé.
On s’étonne quand même de la relative ignorance de cette journée !
Catherine Grangeard, psychanalyste, auteure de l’ouvrage » Il n’y pas d’âge pour jouir » nous livre son regard sur la santé de la femme en 2021, sa médicalisation à outrance. Elle nous explique pourquoi il y a urgence pour les femmes de plus de 45 ans de sortir enfin de l’invisibilité et de l’auto-dépréciation !
Let’s go Girls !
Quoi de spécial pour les plus de 45 ans en cette journée internationale de la santé de la femme?
Très bonne question ! Et bien on peut commencer à reconnaître la ménopause comme une étape normale dans la vie des femmes. Sortir de la pathologie !
Sortir des préjugés est l’étape indispensable pour se sentir mieux.
Autrement dit, revisiter l’aspect normatif de nos façons d’avancer en âge. A cause d’idées intégrées et quasi inconscientes, les femmes sont formatées depuis longtemps à considérer comme un drame le fait de vieillir.
C’est ce discours qui pose problème avant même la réalité de certains symptômes. Il faut le rappeler, ils ne sont pas aussi inéluctables et graves qu’on le dit. Dans certaines civilisations, c’est même un non-sujet !
Le standard masculin est-il encore la norme en médecine et en santé ? Pourquoi et comment expliques-tu cela ?
Cette question a une réponse on ne peut plus simple : l’invisibilité !
Les femmes à partir d’un certain âge n’intéressent plus, à tous les niveaux, travail, sexualité, par exemple. Je ne peux encore qu’insister sur ce que j’ai déjà énormément creusé [1]. Cette invisibilité se révèle dans le fait que les comédiennes de plus de la cinquantaine ont disparu des écrans. Les écrans sont un symbole essentiel, miroir et modèle tout à fois. Le monde médical n’échappe évidemment pas au grand monde !
La plupart des médicaments sont le plus souvent testés sur les hommes, d’où un biais dans leur efficacité réelle chez les femmes. Et ça, à tout âge… Les conséquences sont à la hauteur. A l’origine de l’inégalité des chances dans une prise en charge rapide de l’infarctus du myocarde : les préjugés sexistes. Les médecins interprètent moins bien chez les femmes les signes avant-coureurs : la douleur à la poitrine est associée à de l’anxiété. A cause de ce sous-diagnostic, 56 % des femmes meurent d’un infarctus, chez les hommes les statistiques sont de 46 %. Ce préjugé repose sur une association d’idées : l’infarctus est une maladie d’homme d’âge mûr stressé au travail.
La relativité des normes est à mettre en lumière… C’est ça?
Leur effet se ressent tant au niveau physique, mental que sexuel. La définition de ce qui est normal ou pathologique relève du normatif. Ce qui fut hier jugé normal (ou l’inverse) évolue.
En réalité, on ne voit le médecin que lorsqu’un symptôme se manifeste. La santé ne relève pas du strict domaine médical. Les conditions de vie, sociales, collectives et singulières, personnelles sont aussi importantes que le capital génétique.
Certains symptômes sont une expression corporelle de ce qui ne va pas. Ce sont des raccourcis pour dire le mal-être. Or à trop vouloir isoler ces maux physiques pour les soigner, le risque est d’ignorer leur sens profond et de faire taire la personne qui ne sait comment s’exprimer autrement.
Parfois, c’est aggraver la maladie…
Ecouter ce mal à dire permet de trouver d’autres réponses. Nous devons encore constater une surdité face à ce qu’elle dit ouvertement…
La santé sexuelle, pourtant reconnue par l’Unesco, est plus souvent abordée sous forme de sous-entendus, de grivoiseries que sérieusement. Celle des femmes de plus de 50 ans par exemple… Tellement de stéréotypes circulent qu’il est compliqué d’avoir un rapport sain à sa propre libido. La ménopause est-ce une question de santé ou une question de société ? [2] Une énorme réflexion est à démarrer !
En cette journée internationale de la santé des femmes, tentons de braquer le projecteur pour remettre l’être humain au centre.
Catherine Grangeard
Quelques mots pour terminer sur le rapport intime à son propre corps. L’introjection se fait inconsciemment. A force d’entendre répéter ce qui est normal ou pas, l’enfant se construit. De même, quand on vous regarde de travers, quand on se moque, quand on valorise au contraire quelque chose du corps, l’évaluation de soi évolue.
Certains comportements sont encouragés, d’autres découragés.
Pour s’affranchir des diktats, c’est essentiel de relativiser les normes les induisant
La santé est un terme générique. C’est bien plus qu’un état de non-maladie. La santé mentale, sexuelle et physique concernent un seul et même être. Et un être humain ne peut être en bonne santé que se considérant comme ne souffrant pas, sous ces différents aspects. C’est subjectif.
Les femmes de plus de 45 ans savent fort bien que le regard posé sur elles n’est pas valorisant. C’est cela qu’aujourd’hui nous pouvons dénoncer. Ce regard induit une autodépréciation. En mettant en lumière ces aspects de la question, les femmes font basculer à la fois leurs propres préjugés et ceux de la société. Voilà comment les choses bougent !
[1] Il n’y a pas d’âge pour jouir, Larousse, 2020
[2] C. Grangeard Il n’y a pas d’âge pour jouir Larousse, octobre 2020
Pour en savoir plus sur la santé sexuelle des femmes https://www.konenki.fr/amour-et-sexualite-etes-vous-en-bonne-sante-sexuelle/