La sécheresse vaginale peut affecter n’importe quelle femme, et particulièrement en période de préménopause et ménopause.
Elle est très fréquente et touche plus de la moitié des femmes ménopausées âgées de 51 à 60 ans.
Cette sécheresse est un symptôme évident de cette période et bien souvent les femmes sont gênées dans leur intimité et très peu osent en parler.
Pourtant il ne s’agit pas d’un aspect normal du vieillissement que nous devons supporter.
Et ce trouble physiologique peut avoir un impact considérable sur le bien-être physique et émotionnel d’une femme.
Le Dr Odile Bagot, gynécologue-obstétricien et auteure de Vagin et Cie, On vous dit tout ! et Ménopause, pas de panique ! va tout nous expliquer sur ce sujet encore tabou.
D’où viennent les sécrétions vaginales ?
La sécrétion vaginale est un liquide qui passe à travers la muqueuse vaginale dans lequel se développe la flore vaginale dont les fameux lactobacilles qui vont fabriquer de l’acide lactique.
Ces leucorrhées physiologiques donnent un écoulement fluide, sans odeur, non irritant et légèrement opalescent.
Mais ces sécrétions vaginales, quand on n’est pas encore ménopausée, ont un cycle.
Dans ce qui s’écoule du vagin, vous avez les règles. Ensuite pendant quelques jours des sécrétions physiologiques blanches, liquides et opalescentes.
Puis, cela va se mélanger avec la fameuse glaire ovulatoire.
Cette dernière est une sécrétion différente (pour une femme qui n’est pas sous pilule ou sous stérilet à la progestérone), il s’agit de pertes qui donnent des sensations de « mouillé », qui sont glissantes quand on s’essuie, transparentes comme du blanc d’œuf et entre deux doigts, ça fait comme des fils.
Là c’est une sécrétion importante, tant qu’on a un cycle.
Du jour au lendemain, quand l’ovulation est passée, la sensation sera plus sèche, au lieu d’être glissant, ça sera collant, au lieu d’être transparent ça va être plutôt opaque et au lieu d’être filant, ça sera élastique.
Donc là, il y a un changement de nature de ces pertes.
Et avant les règles, on a les fameuses leucorrhées physiologiques qui reviennent.
Vous pouvez donc constater qu’il y a beaucoup de choses qui s’écoulent du vagin dans un cycle.
Et à la ménopause ?
Lorsque vous n’avez plus de règles depuis un an, la sécrétion vaginale va être continue mais surtout bien moindre. Car les œstrogènes entretiennent ce qu’on appelle la trophicité de la muqueuse vaginale. Celle-ci est plus souple et plus sécrétante pour le mucus. Donc moins d’œstrogènes et moins de sécrétions de base de la muqueuse vaginale.
Et par ailleurs, les œstrogènes vont nourrir le lactobacille, et par extension, il y en aura moins également.
Le fond de culotte d’une femme qui est ménopausée est sec ou presque sec. Contrairement au fond de culotte d’une femme non ménopausée, qui n’est jamais sec.
Qu’est-ce que le sécheresse vaginale ?
Nous pouvons parler de sécheresse vaginale lorsque nous avons une sensation désagréable, d’inconfort et de sécheresse. Soit c’est au quotidien, soit surtout au moment des rapports.
La sécheresse vaginale post ménopausique, au moment de l’excitation ou des rapports sexuels, représente une lubrification plus lente et elle est moins abondante en quantité.
Or, la lubrification vient du fond du vagin. Et donc, le temps qu’elle arrive au niveau de la vulve, ou du vestibule, c’est à cet endroit qu’elle doit être pour que la pénétration soit confortable, il faut beaucoup de temps. Surtout quand ça va moins vite et qu’il y en a moins.
Il faudrait que les préliminaires soient plus longs, sauf que l’homme n’a pas le même timing et ne parvient pas à rester au garde à vous aussi longtemps qu’il le faudrait.
C’est donc un problème de tempo !
C’est-à-dire qu’avec l’âge, physiologiquement, la réactivité sexuelle du côté de la femme va être plus lente.
Quelle est la solution dans ce cas-là ?
On ne va pas pouvoir prolonger les préliminaires. Sinon l’homme risque de ne pas tenir le temps nécessaire (NDLR : soyons optimistes, il en reste des vaillants) . Il y a deux choses à faire : la première pour la femme, c’est de se préparer. C’est-à-dire qu’elle peut prendre une douche, stimuler ses bouts de sein, son clitoris, ça fera gagner du temps et ça va déclencher les premières réactions pour être capable d’accepter les préliminaires.
La phase de préparation de la femme, avant même les préliminaires, c’est 20 minutes ! De but en blanc, ça ne marche pas !
Et après cela, il faut tout de suite mettre un lubrifiant, cela permet aux caresses des préliminaires d’être plus agréables. Donc l’excitation va venir et prendre le relai. Cela permet alors de raccourcir ce temps-là.
Tout ce dont je vous parle, c’est quand il n’y a pas de problèmes de désir ni d’excitation. C’est uniquement pour pallier le fait que la lubrification soit un peu retardée, qu’elle soit moins abondante et que l’homme tienne moins longtemps. C’est le cas classique où tout va bien dans le couple. C’est donc une petite adaptation à avoir, du fait de la ménopause.
Y a-t-il des problèmes de sécheresse vaginale en préménopause ?
Lorsque vous êtes en périménopause et que vous avez des cycles réguliers, ou à peu près réguliers, vous n’avez pas de carence œstrogénique.
Au contraire, vous êtes dans un déséquilibre relatif œstrogène-progestérone, avec une hyperœstrogénie relative par manque de progestérone. Là, c’est lorsque vous avez des règles plus abondantes, davantage de syndromes prémenstruels, des troubles de l’humeur, etc. Donc ça ne jouera pas sur les muqueuses vaginales.
La périménopause, c’est l’alternance de ces périodes d’hyperœstrogénie relative et de périodes d’hypo-œstrogénie. Comme en ménopause, où l’on n’a plus de règles, des bouffées de chaleur et… de la sécheresse vulvovaginale !
Pendant la périménopause, le problème de la lubrification au moment des rapports n’est pas hormonal. Il est plus sexologique ou psychologique. Disons que c’est une période difficile.
Tant que vous avez des règles, vous n’avez pas de sécheresse vaginale. Même en ménopause, cette dernière n’arrive pas tout de suite, il faut du temps pour que la muqueuse commence à avoir soif et manque d’œstrogènes.
La période de préménopause, je préfère d’ailleurs le terme de transition ménopausique, est la période la plus compliquée pour les femmes. C’est là que c’est difficile.
Une fois qu’on est complètement ménopausée, soit ça se passe bien, soit ça ne va pas bien et on prend un traitement hormonal si on le souhaite et si on y a le droit.
Est-ce que cela impacte la vie de couple ?
Toutes les études montrent que cette transition est très compliquée car nous sommes tout le temps chahutées. Nous le sommes hormonalement, et cela peut avoir des répercussions psychiques et sexologiques. Pour le couple, ce n’est pas simple, l’homme peut commencer à avoir des pannes, il y a du stress et de la tension, la sexualité n’est plus aussi évidente qu’avant.
Mais attention, je vois souvent des femmes ménopausées qui me disent que les rapports sexuels ne vont pas bien et en creusant, on s’aperçoit que ça n’allait pas bien déjà avant.
Il ne faut pas commencer à attribuer des difficultés sexologiques à la période de périménopause si de toutes façons, ça n’allait pas bien auparavant.
Mais c’est plus simple de l’attribuer aux hormones que de se dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans le couple.
Donc, pour résumer, la vraie sécheresse physiologique et naturelle, liée à la carence œstrogénique arrive en post-ménopause tardive, après 2/3 ans du début de la ménopause. Ce n’est pas forcément tout de suite. Mais cela dépend des femmes.
Mais ce n’est pas le tout premier symptôme de la ménopause. Le tout premier, c’est les bouffées de chaleur.
La sécheresse vaginale est en continu, au moment des rapports sexuels, ça peut être déjà assez tôt en ménopause parce qu’il y a un problème de réactivité. Mais au bout de 10/15 ans de ménopause, là, ce sont toutes les muqueuses qui sont sèches, c’est beaucoup plus compliqué et c’est au quotidien.
Et cela n’est pas réversible ?
Non, sauf si vous traitez avec des œstrogènes.
Une muqueuse vaginale qui manque d’œstrogènes, c’est comme une paire de chaussures que vous ne cirez pas.
Ce que j’aimerais ajouter cependant, c’est que les œstrogènes sont importants pour la muqueuse vaginale, mais la stimulation régulière par les rapports est tout aussi importante !
C’est-à-dire que ça ne sert à rien de tartiner une femme d’œstrogènes de la tête aux pieds si elle a un rapport tous les tremblements de terre ! Sa muqueuse va rester insensible.
En revanche, je vois quand même des femmes qui ont des rapport très réguliers (plusieurs fois par semaine), ce qui est inhabituel en ménopause, et qui gardent une bonne muqueuse.
C’est comme le sport ?
Je dis toujours que c’est l’inverse des piles Wonder ! Le vagin ne s’use que si on ne s’en sert pas !
Donc, il faut toujours 2 choses, des œstrogènes ou du laser si vous n’avez pas d’accompagnement sexologique et des rapports sexuels réguliers !
Le minimum syndical pour qu’une muqueuse reste en forme, c’est une fois par semaine !
Même pour une femme qui n’a pas de problème de sécheresse vaginale et qui n’a pas eu de rapports depuis 2/3 semaines, sa reprise va être plus difficile, elle aura un peu mal.
Et si elle a un peu mal, elle va moins bien lubrifier donc ça ne se passera pas bien, elle aura donc moins envie de revenir. C’est ce que j’appelle le cercle vicieux de la sécheresse vaginale.
Je l’ai détaillé dans mon livre « Vagin et compagnie ».
Le laser fonctionne bien contre la sécheresse vaginale ?
Oui, ça marche. Mais c’est onéreux et il faut recommencer. Mais c’est le meilleur traitement pour les femmes qui ont des contre-indications aux œstrogènes.
Pour les femmes qui ont eu un cancer du sein, qui sont en post ménopause et qui sont sous anti-aromatases, pour le vagin, c’est une catastrophe absolue, le vagin est très sec. Ca ne lubrifie pas.
Pour ces femmes, le laser endovaginal va vraiment repulper et rebooster la muqueuse vaginale et peut améliorer les choses. Sous réserve qu’il y ait des rapports réguliers.
Et les traitements hormonaux ?
Si on a besoin d’un traitement hormonal de la ménopause parce qu’on a des signes généraux (bouffées de chaleur, etc), ce traitement agira bien sur la muqueuse vaginale.
Les femmes ménopausées que je vois et qui prennent un traitement ont une muqueuse de jeune fille. On n’en parle pas assez.
On peut prendre les œstrogènes par voie générale mais aussi par voie locale.
Par voie locale, c’est dès que la femme sent une sécheresse vaginale et des difficultés au moment des rapports. Dès qu’elle a des symptômes.
On peut donner un traitement œstrogénique local avant la ménopause.
Le traitement hormonal, c’est quand la ménopause est confirmée, surtout pas avant, donc 1 an complet sans règles.
Quand on est en post ménopause, c’est un traitement au long cours, tant qu’on en a besoin.
Pourquoi n’ose-t-on pas parler de la sécheresse vaginale ? Parce que ça touche le sujet intime le plus profond chez une femme ?
Pour moi, la sécheresse vaginale est à la femme ce que l’insuffisance érectile est à l’homme.
C’est exactement ça, parce qu’elle aimerait bien mais n’y arrive pas, donc l’homme n’est pas bien car il pense qu’il se débrouille mal.
Et la femme aimerait pouvoir réagir, avoir du plaisir mais ça ne réagit pas. C’est comme les troubles érectiles chez l’homme.
Et lorsqu’il y a du stress, on a peur que ça ne marche pas, donc l’excitation ne va pas venir chez la femme alors elle ne va pas lubrifier et l’homme n’aura pas d’érection.
Vous conseillez quoi dans ces cas-là ?
Déjà, on communique, on en parle dans le couple.
Le problème, c’est les préliminaires, il faut accorder son tempo et expliquer au monsieur qu’il n’est pas devenu manchot mais que vous êtes passée de l’essence au diesel. Il faut chauffer plus longtemps !
Donc comme je vous le disais, pour la femme il faut anticiper un peu et mettre un lubrifiant.
Quel lubrifiant faut-il utiliser ?
On a le choix, on a des visco-liquides qui se rapprochent des sécrétions vaginales naturelles. C’est plus discret pour celles qui ne veulent pas en parler à leur partenaire, elles peuvent le mettre avant et ça roulera tout seul, ça va libérer tout le monde.
On a aussi des gels comme le Taido, cela sèche un peu plus que le visco-liquide.
Moi j’aime bien Deumavan, soin intime pour Elle et Lui, c’est le seul que je connaisse qui est sous forme de crème. Et ça, c’est pas mal pour les femmes qui ont une muqueuse qui est fragile. Il est à la fois lubrifiant et émollient.
La sécheresse vaginale cause-t-elle plus d’infections gynécologiques ?
La flore vaginale étant plus pauvre en lactobacilles dont le rôle est d’en assurer l’équilibre, une sécheresse vulvovaginale peut effectivement augmenter le risque de vulvovaginite, mycose ou vaginose.
Lorsqu’on parle de sécheresse vulvo-vaginale post ménopausique, vous trouverez le même manque d’œstrogènes au niveau de la vessie. On aura donc tendance à avoir plus de problèmes urinaires.
La sensation de sécheresse, la douleur, la brûlure, l’irritation, voire les fissures, se sentent au niveau de l’entrée du vagin (le vestibule). Cela peut aller d’un inconfort à la déchirure.
Le fond du vagin est peu sensible, il est toujours légèrement humide.
Le problème, c’est entre les petites lèvres au moment de l’intromission, c’est là qu’il faut mettre du gel.
Les lingettes intimes sont-elles recommandées après 50 ans ?
Déjà, ce n’est pas écologique, ensuite il y a des risques de perturbateurs endocriniens, d’irritation.s
Le mieux est de faire sa toilette avec éventuellement un savon gynécologique adapté, suffisamment gras, non irritant. On se lave à la main, sans gant de toilette, on rince et voilà.
Ca vaut la peine à partir de 50 ans d’utiliser des savons liquides spéciaux gynécologiques (Hydralin, Saforelle, Saugella, Rogé Cavaillès…), ce n’est pas une grosse dépense mais c’est important. Il faut un Ph adapté.
Avez-vous d’autres choses à ajouter par rapport à la sécheresse vaginale ?
Il peut y avoir un diagnostic différentiel. Parfois les femmes ont une sensation d’inconfort, elles parlent de sécheresse et en fait elles ont une vulvo-vaginite. Il faut toujours rechercher si ce n’est pas une mycose ou une vaginose.
L’autre problématique, et qui est malheureusement souvent diagnostiquée avec du retard, c’est le lichen scléro-atrophique.
Ce n’est pas anecdotique, c’est beaucoup plus fréquent qu’on ne le pense. Il s’agit d’une anomalie dermatologique de la vulve qui peut donner des démangeaisons chroniques, surtout la nuit et la peau de la vulve va devenir fine, blanchâtre, légèrement cartonnée. Et les reliefs de la vulve, en particulier les petites lèvres, vont commencer à se rétrécir. Et si on ne fait rien, cela peut se terminer par une vulve totalement fermée. Par ailleurs, certains cancers rares de la vulve se greffent sur un LSA (lichen scléro-atrophique) négligé.
Et cela commence par des démangeaisons et des douleurs à la pénétration.
Cette maladie peut se traiter avec une corticothérapie au long cours, à vie.
Cela peut arriver à tous les âges. C’est souvent difficile à diagnostiquer.
Pour soigner la sécheresse vaginale, on commence par quoi ?
On voit d’abord son gynécologue et ensuite au besoin, un sexologue. C’est même bien de faire les deux en même temps car ces bouleversements hormonaux dans le corps, ça mobilise aussi les affects. C’est le milieu de la vie, c’est le changement, les enfants sont partis, on se demande ce qu’on a fait de sa vie, parfois les hommes partent à 50 ans pour une femme plus jeune, ce n’est pas un mythe !
Cette problématique est autant psychologique que physiologique.
On se pose beaucoup de questions.
Le problème, c’est que nous avons parfois des médecins qui, malheureusement, sont soit médecin du corps, soit médecin « de la tête ». Et bien, il faut les deux ! Les femmes ne sont pas des utérus sur pattes ! Il faut les prendre en entier.
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