Entretien avec le Dr Hélène Jacquemin Le Vern, gynécologue, sexologue et membre du bureau de la Société Française de Gynécologie Obstétrique Psychosomatique. Elle nous apporte son éclairage sur les idées reçues que nous pouvons avoir sur la préménopause et la ménopause.
Souvent mises sur le banc de touche vers la cinquantaine, nous, je veux parler des femmes ménopausées ou s’y approchant, devons faire face au regard de l’homme mais aussi du nôtre.
Oui nous ne sommes plus fertiles, oui nos humeurs peuvent changer, oui nous pouvons prendre du poids et oui nous vieillissons.
Mais soyons fières de pouvoir en parler et de pouvoir nous faire comprendre auprès de la gente masculine. Cette période n’est pas un drame, il s’agit juste du deuxième acte de notre vie que nous devons embrasser pour le vivre au mieux.
Mais bien souvent, nous sommes accrochées à des préjugés qui nous empêchent d’aller de l’avant et de relativiser cette période.
A quoi devons-nous nous attendre pendant cette période ?
A la quarantaine, chaque femme vit les choses différemment. Nous avons des cycles moins réguliers, des règles plus abondantes, parfois un syndrome prémenstruel plus marqué, seins tendus, ballonnement… On se dit aussi qu’on peut encore avoir un enfant, alors c’est maintenant ou jamais à cause de cette fameuse dead line.
A 50 ans, c’est le féminin qui est touché, vais-je me sentir encore femme ?
Les turbulences avant la ménopause, c’est la période la moins agréable. C’est comme la puberté. C’est instable et inconfortable. Avec ou sans bouffées de chaleur. Mais une fois que la ménopause est installée, ça va mieux mais cela varie d’une femme à l’autre.
Devenons-nous folles lors de la préménopause ?
Absolument pas ! Pourquoi le deviendrions-nous ? Certaines femmes peuvent déprimer (elles sont très minoritaires), c’est sûr, mais c’est un cap qui se termine, ça peut nous manquer d’avoir nos règles. C’est un petit deuil à faire.
Le regard des hommes est fondamental. Il peut nous aider. Mais l’homme est linéaire et si sa femme est ménopausée, c’est un questionnement sur lui qu’il aura.
Les hommes se disent aussi qu’à la ménopause, il n’y a plus de sexualité, ce qui est absolument faux. Dans nos sociétés judéo-chrétiennes, la sexualité est toujours faite pour la reproduction.
Les femmes sont-elles perdues pendant cette période ?
C’est un vrai changement, mais elles ne sont pas perdues non, déstabilisées oui. Il peut y avoir une accentuation de son trait de caractère. Si tout va bien, que la vie de famille est stable, le travail aussi, alors ça se passera mieux. Si on est bien accompagnée tout ira bien !
Mais il peut effectivement y avoir des insomnies, des bouffées de chaleur, des douleurs articulaires inexpliquées. Il faut alors se faire suivre.
Avons-nous assez d’infos sur le sujet ?
On n’a jamais assez d’informations ! Mais a-t-on envie de s’informer de tout ça ? On doit se dire qu’on passe la moitié de notre vie réglée et l’autre moitié non réglée. Il faut s’informer, prendre son temps pour comprendre.
Y a-t-il un moyen d’anticiper cette période ?
Il faut continuer le sport, mais pas que pendant cette période ! Sinon, on le paye un jour ou l’autre. C’est bon pour l’ostéoporose, la souplesse et l’équilibre. C’est fondamental !
Il faut s’entretenir, manger moins et bouger plus ! Ce qui n’est pas évident car à nos âges, on apprécie ce qu’on mange, on a plus de temps, on profite de tout.
Il ne faut pas oublier que la morphologie se modifie après la ménopause. C’est ainsi, il faut l’accepter. On prend en moyenne 10kg entre 20 et 50 ans. Et même si on ne prend pas de poids, notre corps se modifie, les femmes ont du mal à se reconnaître. On se tasse également, et ça on ne peut pas l’anticiper, c’est ainsi.
Peut-on tester par voie sanguine notre état de préménopause ou ménopause ?
Pour la préménopause, c’est inutile, c’est trop fluctuant, les signes sont plus parlants qu’une analyse.
Pour la ménopause, le meilleur critère, c’est un an sans règle.
Qu’en est-il de notre vie sexuelle pendant cette période ?
On est moins pulsionnelles, moins remplis d’hormones. Et cela s’émousse à la ménopause. Mais si on fait une nouvelle rencontre, à ce moment-là, la sexualité change et les pulsions peuvent revenir. Le psychisme est important. Mais pour 100% des femmes après la ménopause, on reconnaît une sécheresse vaginale à cause de l’absence d’oestrogènes. Il y a un arrêt de la sécrétion hormonale. On observe également une sécheresse oculaire. Mais c’est valable pour les hommes aussi.
Pour la femme, il se peut que des douleurs apparaissent pendant la pénétration et même si les préliminaires sont longs. Il ne faut pas hésiter à utiliser un lubrifiant, une crème à base d’hormones. C’est comme un soin de beauté. C’est utile.
Quels sont les subterfuges pour une meilleure sexualité ?
La sexualité ça s’entretient, plus on fait l’amour, plus on a envie de le faire. Et puis aujourd’hui, il ne faut pas hésiter à utiliser des sex toys, à être inventif, créatif. Il faut travailler sur le fait d’avoir envie d’avoir envie.
Mais pour atteindre l’orgasme, c’est plus difficile, ça peut être plus long, les préliminaires doivent être plus importants.
Les hommes, eux, sont confrontés à des problèmes d’érection, ce n’est pas simple non plus, et ça les inquiète. Il faut donc se réinventer ensemble.
Peut-on passer à côté des symptômes de la ménopause ?
Hormis l’arrêt des règles, c’est possible car certaines femmes n’ont aucun trouble.
Existe-t-il un déni de ménopause ?
Non, ça n’existe pas.
Doit-on prendre un traitement hormonal pour ne pas vieillir ?
Non, absolument pas ! La peau se flétrit naturellement et on ne peut pas y faire grand-chose. Ca ne fait pas partie des indications des traitements hormonaux. Cela n’a rien à voir. Les traitements hormonaux sont conçus pour les symptômes invalidants (bouffées de chaleur, insomnie…)
Peut-on tout mettre sur la ménopause ? Comme les humeurs par exemple.
Non, pas du tout ! Certes, la ménopause accentue parfois les traits de caractère ! Mais c’est une période à passer, rien de plus. C’est une chance de se dire qu’on a encore 40 ans devant soi !
A partir de quel moment pouvons-nous nous sentir bien ?
C’est variable selon les femmes, on peut se sentir bien très vite. Ce qui est violent c’est lorsqu’on est ménopausée jeune. Là c’est radical. D’ailleurs, il faut dans ce cas suivre un traitement hormonal.
Prend-on du poids à la préménopause ou ménopause ? Est-ce un mythe ?
Pas forcement, mais la moyenne c’est + 10 kg entre 20 et 50 ans. Notre morphologie change, on se tasse, la taille s’épaissit, même si on ne prend pas de poids. Il n’y a pas de vraie solution. C’est comme les cheveux blancs…
Le sport peut-il aider à aborder la préménopause plus sereinement ?
Le sport est important à tout âge ! A la préménopause ou ménopause, c’est important pour les articulations, l’ostéoporose.
Et notre système pileux ?
La pilosité pubienne se raréfie, les poils blancs apparaissent. On a moins de poils aux jambes mais on peut en avoir quelques-uns sur le visage, attention, ce n’est pas une barbe. C’est dû aux glandes surrenales qui prennent le relai au niveau hormonal. Les femmes perdent peu leurs cheveux, ils peuvent être moins beaux, mais cela n’a rien à voir avec la calvitie masculine. Si on en perd beaucoup, n’hésitez pas à prendre des compléments vitaminés.
Le relâchement soudain de la peau
C’est vrai, c’est le vieillissement, la peau est plus fine. Il n’y a rien à faire ! Il faut l’accepter.
Quelles sont les alternatives aux bouffées de chaleur ?
Les traitements hormonaux mais on a le droit d’essayer d’autres choses.
Sommes-nous ménopausées au même âge que nos mères ?
Oui, l’âge de la ménopause, c’est souvent le même que celui de sa mère. Si votre maman a été ménopausée très jeune, il faut prendre ses dispositions et consulter un médecin pour anticiper cette période. On peut ajouter qu’aujourd’hui la puberté a avancé en âge, mais l’âge de la ménopause n’a pas changé.
Doit-on être vigilantes si nous sommes ménopausées jeune ?
Oui ! Les ménopauses précoces doivent être très suivies. Il faut prendre un traitement hormonal quoiqu’il arrive.
Le fait de ne pas avoir d’enfant a-t-il une incidence sur cette période ?
Non, pas du tout !
Avez-vous des conseils à nous donner pour passer cette zone de turbulence qu’est la ménopause ?
Bien se renseigner sur ce qui se passe, continuer à vivre, s’éclater. Il faut communiquer avec son partenaire, son rôle est important. Si on est seule, tout peut arriver !
Et l’andropause ? Le pendant de la ménopause chez l’homme.
C’est moins rapide que la ménopause, ça n’arrive pas en quelques mois. Mais cela peut perturber la sexualité à cause des troubles de l’érection, que ce soit le matin ou pendant l’acte. Les traitements aujourd’hui sont au point et aident vraiment.
Votre conclusion ?
Les femmes sont belles à 50 ans, elles sont des piliers, la femme n’est pas contenue dans ses ovaires et son utérus.
Attention au culte de la jeunesse et de la minceur. Si les femmes sont obnubilées par leur poids, elles créent elles-mêmes les préjugés.
La sexualité est importante, je recommande tout ce qui fait plaisir aux gens, il faut être créatif, inventif, se parler, utiliser des sex sex toys pour amener du piment. La sexualité, c’est une forme de dialogue. Si on recommence, c’est qu’on a encore des choses à se dire.
https://www.konenki.fr/qu-est-ce-que-la-premenopause-les-signes-et-les-symptomes/
Pour aller plus loin…
https://www.franceinter.fr/personnes/helene-jacquemin-le-vern