Neuroplasticité. Un terme étrange et intriguant qui renvoie à l’une des découvertes les plus stupéfiantes des neurosciences modernes ! Notre étonnante capacité à pouvoir remodeler notre cerveau en permanence, quel que soit notre âge. Les spécialistes s’accordaient autrefois sur le fait que notre cerveau évoluait progressivement dès notre naissance pour acquérir sa forme mature à environ 25 ans.
Passé cet âge, c’était fichu, coincé. Les dés étaient jetés pour le reste de notre vie, et nous nous apprêtions à vivre une longue descente en enfer neuronale…
Mais les innovations récentes de la technologie de l’imagerie cérébrale fonctionnelle (IRMf) permettant d’observer un cerveau en activité en temps réel ont démontré l’incroyable plasticité de notre cerveau et sa capacité à se modifier et à se transformer en permanence. A une condition et pas la moindre : en prendre soin et faire équipe avec lui !
Entretien avec Erwan Deveze pour recâbler positivement notre cerveau, « Brain Addict ». Consultant conférencier en neurosciences et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet aux éditions Larousse.
Erwan Deveze, une question simple et essentielle : notre cerveau est-il fait pour être heureux ?
Excellente question qui nous ramène directement à l’évolution. Disons que cela n’a pas forcément été sa fonction première, le cerveau humain n’ayant eu en réalité qu’une priorité : assurer la survie de l’espèce.
Il s’est ainsi progressivement transformé dans le but d’assurer le renouvellement des générations en se dotant d’un côté d’un système d’alerte et de réponse aux menaces extrêmement perfectionné, et de l’autre d’un système de la récompense très efficient pour que nous trouvions plaisir, et donc intérêt, à nous alimenter, à nous reproduire, etc.
Cette priorité d’assurer notre survie et le renouvellement de l’espèce explique pourquoi nous sommes si sensibles aux événements contraires ou jugés menaçants, avec un biais de négativité en nous omniprésent.
Le cerveau est une machine à prédire et formuler des hypothèses en permanence. Il a tendance à imaginer le pire au travers de projections anxieuses. C’est un mécanisme de survie qui peut très vite nous aliéner et nous rendre la vie impossible avec des conséquences délétères sur notre santé mentale et physique. Il faut donc agir, notamment via son mode de vie, pour contrer cette tentation naturelle du cerveau à noircir le tableau !
Alors justement, comment faire concrètement ?
La bonne nouvelle est que nous avons tous en nous une capacité d’agir positivement et durablement sur notre cerveau. Plusieurs stratégies sont possibles et très efficaces pour reconfigurer progressivement son cerveau et ainsi nous permettre de voir les choses sous un meilleur jour. Commençons avec les 5 ci-dessous !
1) Vivez l’instant présent
Le cerveau est souvent écartelé entre les ruminations du passé et les projections anxieuses du futur, un vagabondage mental incessant qui finit par nous épuiser cognitivement et émotionnellement. Il faut revenir au présent ! Ouvrir pleinement ses sens en pleine conscience sur le moment vécu, sortir de cette tyrannie du multitasking.
Evitez de faire plusieurs choses en même temps. Réhaussez votre niveau attentionnel en étant pleinement disponible à l’autre, rompre avec cette infobésité permanente.
2) Mentalisez
L’intention vaut souvent l’action pour le cerveau qui peut facilement être trompé pour la bonne cause avec un peu d’entraînement ! Apprenez à mentaliser des événements positifs. Mettez-vous au calme et souvenez-vous le plus précisément possible d’événements heureux que vous avez vécus, vous réactiverez ainsi les réseaux de neurones impliqués initialement. Imaginez, fantasmez… Tout est permis neuronalement !
3) Soyez altruiste
Aider l’autre est, du point de vue neuronal, un acte en réalité très égoïste ! Rien ne procure une sensation de plaisir aussi durable que l’effet de reconnaissance que l’on retire du fait d’avoir été utile aux autres. Aucun phénomène d’habituation possible, au contraire des autres plaisirs purement hédoniques. L’altruisme est un moteur motivationnel extrêmement puissant déclenchant à l’intérieur de votre cerveau un véritable feu d’artifice neurobiologique : dopamine, sérotonine, ocytocine, etc. En faisant du bien aux autres, vous faites avant tout du bien à votre cerveau… Et donc, à vous-même !
4) Nourrissez votre cerveau de jolies choses
Il est indispensable pour votre cerveau de s’écarter des flux anxiogènes qui le polluent du matin au soir et finissent par provoquer sur le long terme des altérations cérébrales. Coupez autant que possible avec tout ce qui génère en vous de l’anxiété. Dirigez votre attention vers des activités agréables et positives. Les arts en particulier (musique, écriture, lecture, peinture, etc.) sont de merveilleux tuteurs de résilience. Le contact avec la nature est également extraordinaire pour votre cerveau, avec un effet déstressant immédiat, une augmentation de la sensation de bien-être et des capacités cognitives de concentration, créativité et prise de décision surboostées !
5) Joignez la parole aux gestes !
Les mots ne sont jamais neutres. Surveillez vos paroles, elles peuvent, souvent à votre insu, être plus néfastes que vous ne le pensez en vous enfermant dans de véritables impasses mentales pour vous et pour les autres. Evitez les formules négatives, les « oui mais », les répétitions en boucle de vos croyances limitantes (« je suis trop ceci », « je ne suis pas assez cela », etc.). Faites l’exercice mental de systématiquement chercher le côté positif des choses. Il n’y a pas que la Covid qui est contagieuse, les émotions positives le sont tout autant et en réalité, bien plus ! Jouez cet effet de contagion émotionnelle positive à plein avec vos proches, vos collègues, votre entourage, souriez, riez… Vous diffuserez ainsi de très belles ondes positives pour le plus grand bien de tous, à commencer pour vous-même !
Pour lire l’ordonnance résilience d’Erwan Deveze : https://www.konenki.fr/neurosciences-resilience-les-4-cles-pour-aller-mieux/